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L’objectivité comme objectif

„Dans les écoles américaines de journalisme, on n’enseigne plus l’objectivité mais l’apparence d’objectivité.” Ce que nous confiait récemment l’un des producteurs de Michael Moore témoigne bien de l’ambiguïté dans laquelle nous sommes aujourd’hui vis-à-vis de cette notion: on n’y croit plus vraiment, mais on ne peut pas y renoncer. Parmi les rares journalistes qui veulent franchement s’en débarrasser, il y a Mark Hunter, professeur américain à Paris: la nouvelle valeur de référence, en ce monde devenu méfiant, c’est selon lui la transparence. Le public accepte ou même préfère les partis pris pourvu qu’ils soient honnêtes.

Mais l’une n’exclut pas l’autre! Dire que l’objectivité est morte parce qu’elle est impossible, c’est se tromper de catégorie. Elle est impossible comme l’est la beauté absolue pour l’artiste. Elle existe néanmoins en tant qu’objectif, intention, motivation. On sait aujourd’hui qu’on ne peut pas faire abstraction du point de vue du sujet sur l’objet. Mais la quête de l’objectivité va nous pousser à être plus curieux, à rechercher tous les faits accessibles, à écouter les avis contradictoires. Pourquoi ne plus y croire?

Si le public perd confiance en nous, c’est bien parce que nous lui donnons moins le sentiment de faire ce que prescrit en premier la Déclaration de nos devoirs et droits: „Rechercher la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour nous-mêmes.” Il faudra d’ailleurs un jour faire le procès de ces „angles” par lesquels nous avons pris la mauvaise habitude de définir à l’avance les résultats de nos enquêtes.

Curieusement, le mot „objectivité” est absent de cette Déclaration. Peut-être devrions-nous l’y mettre? Plus que jamais, dans un monde surchargé de communication, le journalisme doit définir ce qui le distingue. Oui, je suis un individu qui a des partis pris. Je ne les cache pas, j’arrête de faire semblant de ne pas en avoir. Mais je suis journaliste dans la mesure où j’accueille volontiers ce qui me contredit, et j’ajuste en conséquence ma représentation de la réalité.


Alain Maillard
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