Publigroupe lâché par les siens Jusqu’en 1997, le groupe a siégé à Lausanne sous le nom de Publicitas. Durant des décennies, Publigroupe s’est chargé de la régie publicitaire de différents journaux répartis sur l’ensemble de la Suisse. Nombre d’entre eux lui avaient du reste entièrement délégué cette tâche. Ces dernières années, le groupe a inclus la prestation de services en ligne à sa palette d’activités et l’a développée sur un plan international. Son secteur clef reste toutefois le marché suisse des annonceurs. Les affaires ont été longtemps florissantes. Avec ses bénéfices, le groupe pouvait même se permettre de financer les investissements de ses principaux clients, lors de l’acquisition de nouvelles infrastructures par exemple. En cas de problème de remboursement, Publicitas se faisait payer en actions. C’est entre autres par le biais de ce type d’affaires que le groupe a acquis des participations considérables dans le capital de différents journaux: 29% dans les titres neuchâtelois détenus par Hersant („L’Express” et „L’Impartial”), 20% dans les titres d’Edipresse („Le Matin”, „Le Matin bleu”, „24 heures”, et la „Tribune de Genève”) 18% dans le journal tessinois „Regione”, 37% dans le „Basler Zeitung”, 25% dans le „Südostschweiz”. En 2004, Publigroupe a frappé un dernier grand coup, en aidant la NZZ à gagner sa course contre Tamedia pour le contrôle de trois journaux implantés dans l’agglomération zurichoise. En contrepartie, Publigroupe s’est vu confier la stratégie publicitaire de la NZZ. Le groupe détient depuis lors une participation de 25% dans la filiale de la NZZ, Freie Presse Holding SA, qui contrôle également le „St. Galler Tagblatt” et le „Neue Luzerner Zeitung”. Plus récemment, Publigroupe a lancé une plateforme de services online qui a rencontré un certain succès. Réunie début 2008, l’assemblée générale s’est déroulée dans un climat d’euphorie. D’aucuns ont pronostiqué „le début d’une phase de croissance tous azimuts” quelques mois avant que la demande s’effondre sur le marché des annonceurs. Depuis septembre 2008, on enregistre chaque mois des baisses se chiffrant en dizaines de points. Le cours des actions de Publigroupe est tombé de 370 à 80, forçant le groupe à réagir: sur 3000 emplois existant à travers le monde, 250 ont été supprimés. Pendant ce temps, la rumeur court et l’on spécule déjà sur la probabilité que le groupe cède certaines de ses parts. Dans quelles mains vont atterrir ces paquets d’actions? La question provoque une certaine nervosité. Les difficultés que connaît le groupe en ce moment n’ont pas qu’une origine conjoncturelle. Publigroupe s’est fait des ennemis lorsqu’il est sorti de sa réserve pour jouer un rôle actif dans la compétition que se livrent les différents acteurs de la scène médiatique. Il a pris parti en 2004 pour la NZZ contre Tamedia, puis en 2005 pour l’éditeur du groupe „Mittelland-Zeitung”, Peter Wanner, en lui cédant ses parts du „Solothurner Zeitung”. La confiance des éditeurs en a été ébranlée, et depuis chacun prend ses distances avec Publigroupe. C’est tout d’abord le „Basler Zeitung” qui refuse de confier plus longtemps sa régie publicitaire au groupe qui gère celle de son concurrent direct, le „Basellandschaftliche Zeitung” (lequel fait désormais partie du réseau du „Mittelland-Zeitung”). Le mot d’ordre est donné: La NZZ, le groupe „Mittelland-Zeitung” et Edipresse côté romand, cherchent à retirer leurs billes. On se demande actuellement dans quelle mesure Publigroupe peut continuer à fournir ses services aux petits journaux, après avoir perdu la confiance des grands.
Edipresse avalé par Tamedia Il y a un mois, la famille Lamunière, propriétaire du principal groupe médiatique romand, a fait part de son intention de renoncer à sa majorité dans les titres suisses d’Edipresse, au profit de Tamedia. Cette transaction se déroulera en deux temps et ne devrait pas diminuer l’offre existante, assure-t-on officiellement. Il est pourtant d’ores et déjà clair que l’équilibre va changer, pour aller dans le sens d’une plus grande concentration de forces. Du côté des journaux gratuits, on assistera bientôt à la disparition du „Matin bleu” produit par Edipresse, qui laissera le champ totalement libre au quotidien „20 minutes” édité par Tamedia. En ce qui concerne les journaux payants, la situation demeure pour l’instant inchangée. Dans le bassin lémanique, Edipresse détient déjà un quasi-monopole avec „Le Temps” (qu’il partage avec Ringier), la „Tribune de Genève”, produite en collaboration avec „24 heures”, „Le Matin” et „Le Matin Dimanche”. Les titres d’Edipresse ont toutefois perdu un grand nombre de tirages depuis 1999. Le groupe a réagi à la perte de recettes publicitaires en supprimant 50 emplois. En deuxième position loin derrière Edipresse vient le magnat de la presse française Philippe Hersant, qui dirige la SNP: Société neuchâteloise de la presse. Hersant édite les deux titres neuchâtelois „L’Express” et „L’Impartial”, ainsi que le journal local vaudois „La Côte”. Il livre aussi certains contenus au „Journal du Jura” basé à Bienne et gère un pool rédactionnel et publicitaire (Romandie Combi, ROC) dont font également partie „La Liberté” de Fribourg, le „Quotidien Jurassien” et le quotidien valaisan „Le Nouvelliste”. Le tirage des deux publications neuchâteloises d’Hersant a chuté ces dix dernières années. Pour compenser le manque à gagner dû au retrait des annonceurs, le groupe a décidé d’amputer un quart des postes de la rédaction. L’annonce de ces mesures a déclenché une grève.
Collaboration Edipresse-Hersant Jusqu’à il y a six mois, Hersant et Edipresse se sont livré un combat acharné, entre autres pour le contrôle du „Nouvelliste”. La crise a changé la donne et poussé les partenaires à s’entendre. On parle désormais d’accord entre le nouvel homme fort d’Edipresse, Eric Hoesli, et le chef du groupe éditeur d’Hersant, Jacques Richard. Edipresse a proposé de livrer certains contenus à Hersant, qui pourrait également utiliser les rotatives d’Edipresse à Bussigny pour imprimer ses publications. „Le Nouvelliste” se prépare également à vivre quelques remous. Plusieurs clans familiaux se sont longtemps partagé le terrain et la situation est restée figée durant des années. A l’inverse de ce qui se passait dans l’ensemble de la branche, le journal a plutôt vu son tirage augmenter. Début 2008 toutefois, le Conseil d’administration du groupe Rhône Média a décidé un changement aussi radical que soudain: l’ancien secrétaire général d’Edipresse a remplacé l’un des membres des clans d’actionnaires à la tête du groupe éditeur. Le nouveau venu passe pour un froid calculateur, directement lié aux intérêts des groupes Edipresse et Hersant. Edipresse possède 37% des actions du „Nouvelliste”. Lors du rachat des titres régionaux du groupe Corbaz en 2003, la commission de la concurrence (COMCO) a exigé comme mesure de compensation qu’Edipresse renonce à 4,5% de sa participation dans le capital du quotidien valaisan. Cette transaction n’a pas eu lieu, mais la pression devrait maintenant s’accentuer, dans la perspective de la reprise des titres d’Edipresse par Tamedia. Avant d’approuver le transfert, la COMCO émettra certainement des conditions et pourrait notamment exiger qu’Edipresse cède davantage d’actions du „Nouvelliste”. Hersant serait alors un repreneur tout désigné. D’un point de vue strictement comptable, cette opération semble aller dans le sens d’une meilleure concurrence. Mais au vu des accords de collaboration qu’Hersant a passés avec Edipresse, la situation doit être analysée différemment. Tamedia renouvellera vraisemblablement ces accords et cherchera peut-être à y englober „Le Nouvelliste”. Dans un proche avenir, Tamedia réunirait donc sous son chapeau la plupart des titres régionaux de Suisse romande: la „Tribune de Genève”, „24 heures”, les publications d’Hersant – ”La Côte” „L’Express” et „L’Impartial” – le „Journal du Jura” et enfin, „Le Nouvelliste”. A l’exception notable de Fribourg, le groupe pourrait bientôt disposer d’un relais dans chaque région et „La Liberté” se retrouverait alors totalement isolée.
Le piège se referme sur le BaZ Le „Basler Zeitung” (BaZ) a procédé à des mesures d’économie drastiques à la mi-janvier: 22 postes ont été supprimés à la rédaction, ce qui correspond à un quart des effectifs. Son nouveau concept rédactionnel l’a fait rétrograder „en deuxième ligue”, car le BaZ s’est privé des moyens nécessaires pour jouer dans la cour des grands. Le BaZ nouvelle version ne se mesure plus avec le „Tages-Anzeiger”, mais plutôt avec le „St. Galler Tagblatt”. L’accent sera mis sur l’actualité du jour, complété avec des nouvelles d’agence. L’éditeur Matthias Hagemann affirme qu’il ne laissera pas le „Basler Zeitung” devenir un cahier satellite du „Tages-Anzeiger”. Mais le groupe a-t-il les moyens de garantir son indépendance? L’acquisition des titres du groupe Jean Frey au milieu des années 90 (la „Weltwoche”, „Sport”) a laissé le groupe BMG exsangue. Le BaZ a retiré sa régie publicitaire à Publigroupe, mais ce dernier possède toujours 37% des actions du journal et souhaite s’en séparer. Hagemann a le droit de se porter acquéreur, mais ne dispose pas des fonds nécessaires.
„La Liberté” toujours plus isolée „La Liberté” engrangeait encore de beaux résultats il y a peu. Contrairement à l’ensemble de la branche, le journal a même gagné des abonnés (+6%, soit 39 000 lecteurs supplémentaires depuis 1999). Ce succès s’explique en partie par les spécificités de sa rédaction, où de vrais journalistes curieux, ayant une haute idée de leur profession, ont toujours leur mot à dire. Grâce à sa collaboration avec le journal „Libération”, „La Liberté” peut encore proposer une rubrique internationale de qualité. En résumé, „La Liberté” est un journal bien ancré dans sa région, mais ouvert sur le monde. Le fait qu’il ait su garder son âme et rester fidèle à sa formule a assuré son succès durant des années. La spécificité de „La Liberté” tient aussi à son modèle financier tout à fait original. Le journal appartient aux sœurs de l’Ordre de saint Paul et il est géré par un administrateur discret, dans une optique de continuité et d’équilibre. Durant les bonnes années, cette politique a permis au journal de travailler en toute indépendance. Mais cette méthode de gestion n’est pas adaptée à la période que nous vivons. Dans les turbulences actuelles, si „La Liberté” veut maintenir son niveau, il lui faut impérativement trouver des partenaires. En 2010, le journal deviendra une société anonyme et formera une entité indépendante de l’imprimerie et de l’édition. On peut y voir une tentative de renforcer le journal … ou de le doter de la forme juridique adéquate en vue d’une reprise.Le pool Romandie Combi (ROC) réunissant „ La Liberté”, les publications d’Hersant et „Le Nouvelliste”, présente quelques failles. En 2008, Edipresse a proposé des accords de coopération étendus à Hersant. Après la reprise des titres Edipresse par Tamedia, Hersant pourrait vraisemblablement chercher à se rapprocher du „Nouvelliste”. Vu son isolement, „La Liberté” se retrouverait dès lors en situation précaire.
Le „Mittelland Zeitung” encerclé L’éditeur Peter Wanner, détenteur du titre „Aargauer Zeitung” (AZ) a tissé un solide réseau entre Zurich, Berne et Bâle: le „Mittelland-Zeitung”, qui comprend le „Solothurner Zeitung”, l’„Oltner Tagblatt” et le „Zofinger Tagblatt”, ainsi que le „Basellandschaftliche Zeitung”, pour un tirage dépassant les 200 000 exemplaires. Depuis 2007, il parvient même à concurrencer le „SonntagsZeitung” de Tamedia avec son édition dominicale intitulée „Sonntag”. Le cercle se referme autour de Wanner. Le „Mittelland-Zeitung” se retrouve au milieu du réseau d’influence de Tamedia, car il est désormais entouré d’acteurs médiatiques plus ou moins contrôlés par le groupe zurichois – seul ou en collaboration avec la BAZ. Le groupe NZZ, auquel sont affiliés plusieurs journaux régionaux, semble être un partenaire potentiel. Wanner aurait probablement de bonnes chances de s’entendre avec le nouveau patron de la NZZ, Albert Stäheli. Les deux éditions collaborent déjà et alimentent ensemble la plateforme internet News1.ch, qui coordonne les informations livrées par le „Mittelland-Zeitung” et par les journaux regroupés autour de la NZZ: le „St. Galler Tagblatt” le „Neue Luzerner Zeitung” et le „Zürcher Landzeitung”. Participent également à cette plateforme: le „Südostschweiz” et les „Schaffhauser Nachrichten” (ce dernier journal étant lié à Tamedia pour sa régie publicitaire). La collaboration pourrait être étendue aux rédactions „papier” et prendre une envergure nationale. Wanner est par ailleurs lié au groupe NZZ par un pool publicitaire comprenant les éditions dominicales et les journaux régionaux chapeautés par le groupe zurichois. Sur le plan rédactionnel, le journal „Sonntag”, fournit déjà du contenu au „Zentralschweiz am Sonntag” affilié au groupe NZZ. Le modèle de coopération développé par Wanner autour du journal „Sonntag”, qui consiste à reprendre les contenus des éditions dominicales régionales de la NZZ, pourrait être étendu au „St.Galler Tagblatt”. Stäheli dit exclure pour l’instant toute solution de regroupement pour les publications régionales de la NZZ. Les observateurs voient cependant se dessiner les contours d’un deuxième réseau médiatique national, susceptible de concurrencer Tamedia.
Tamedia prend une longueur d’avance Tamedia se distingue clairement comme la principale force du secteur médiatique suisse actuel. La famille Coninx, à l’origine du groupe, détient toujours 70% des parts. Suite à la reprise du groupe bernois Espace Media – auxquels appartiennent le „Bund” et le „Berner Zeitung” – puis au rachat des titres d’Edipresse, son chiffre d’affaires devrait bientôt se porter à plus de 1,2 milliard de francs. Cette stratégie d’expansion porte un nom: Martin Kall, qui dirige le groupe depuis 2003 dans une logique de profit sans compromis. En 2003, Tamedia s’est battue pour obtenir le contrôle du gratuit „20 Minuten”. Le tirage du „Tages-Anzeiger” continua de chuter (–24% entre 1999 et 2008), mais les pertes étaient compensées par les bénéfices du „20 Minuten”. Ce succès fit des envieux et la concurrence lança bientôt ses propres titres destinés aux pendulaires: „heute”, puis le „Blick am Abend” édité par Ringier, suivi en 2007 par „.ch”. Tamedia réagit en lançant le gratuit „News”, distribué dans les stations de transport public. Mais „News” est déficitaire, tout comme „.ch”. A noter que le tirage des gratuits édités par Tamedia dépasse tout de même le million d’exemplaires. Le tirage des quotidiens payants produits par Tamedia atteignait 500 000 exemplaires en 2008. Pour étendre son influence dans le bassin zurichois, Tamedia applique depuis 2004 un programme qui a déjà fait ses preuves à Berne sous l’égide de Charles von Graffenried (éditeur du BZ): il s’agit d’économiser sur les coûts de production des journaux payants pour réinvestir les fonds dans l’achat de publications locales. Cette stratégie lui a déjà permis d’intégrer le „Thurgauer Zeitung” à son réseau et d’entrer au capital du „Landbote”, basé à Winterthur. Les éditeurs ne se laissent pas tous séduire par ses avances et Kall tente d’intimider les récalcitrants à coups d’éditions spéciales du „Tages-Anzeiger”: sans succès pour l’instant. Les ambitions de Tamedia ne se limitent cependant pas à son bastion zurichois. En 2007, l’acquisition d’Espace Media lui a permis de franchir un pas décisif en ce sens: l’objectif du groupe étant de répartir ses coûts de production sur plusieurs journaux. Pour l’heure, Tamedia n’est pas encore parvenu à attirer le „Basler Zeitung” dans son giron. Mais son programme d’économies ne va pas en rester là, et la prochaine cible sera le „Tages-Anzeiger”, où il envisage de supprimer 25% des postes de la rédaction. Les récents changements intervenus à la direction du journal devraient favoriser la politique de développement de Tamedia, selon certains. Le „Tages-Anzeiger” sera désormais dirigé en tandem par Res Strehle, jusqu’ici rédacteur en chef du TA, censé garantir une certaine continuité, et Markus Eisenhut, ancien rédacteur en chef de „20 Minuten” et corédacteur en chef du „Berner Zeitung”. Ce dernier pourrait bien se charger de la partie ingrate du contrat qui consistera à réduire la voilure pour affronter ces temps d’austérité. Tamedia doit bientôt décider du sort de ses deux titres bernois: soit le „Bund” fusionne avec le „Tages-Anzeiger”, soit il continue de paraître aux côtés du „Berner Zeitung”, mais en intégrant un certain nombre de pages du TA. L’enjeu des débats est entre autres de savoir combien d’abonnements du „Bund” risquent de migrer vers la NZZ. 12 000 personnes ont signé la pétition „Rettet den ‚Bund’” visant à maintenir l’indépendance du titre. Plusieurs acteurs se partagent le marché de la presse dominicale et font de l’ombre au „SonntagsZeitung” de Tamedia. Depuis 1999, son tirage à régressé de 9% pour atteindre 226 000 exemplaires. Le titre „Sonntag” lancé en 2007 par la „Mittelland-Zeitung” tire à 190 000 exemplaires, contre 126 000 pour la „NZZ am Sonntag”. Or de nouveaux concurrents se profilent à l’horizon, avec les éditions dominicales du „Südostschweiz” et du „Neue Luzerner Zeitung”.
Réveil brutal pour le groupe NZZ La NZZ a pu longtemps œuvrer dans un climat serein en se fiant à sa bonne étoile. Le journal pouvait compter sur une base de lectorat fidèle, fortunée et bien disposée à son égard. Les annonces se vendaient au prix fort et le conseil des actionnaires n’exerçait guère de pression pour augmenter le chiffre d’affaires. Assise sur un matelas confortable, la rédaction encaissait tranquillement ses dividendes. N’étant pas soumise aux mêmes obligations de résultat qu’une entreprise ordinaire, la NZZ opérait relativement loin des réalités du marché. Lorsque son tirage se mit à baisser pour tomber à 146 000 exemplaires en 2008 (soit –15%), la rédaction entreprit de timides réformes. Avec la „NZZ am Sonntag” lancée en 2002, le journal inaugura un style plus vivant. Mais cette tentative de rafraîchir l’image de la rédaction resta limitée à l’édition dominicale. Dès 1991, la NZZ tenta d’élargir sa palette en acquérant divers titres bénéficiant d’un bon ancrage local, comme le „St.Galler Tagblatt”, le „Bund”, ou le „Neue Luzerner Zeitung”. Pour renforcer sa position vis-à-vis du „Tages-Anzeiger”, la NZZ s’est également adjointe en 2004 trois titres régionaux zurichois. En 2006, elle se retrouva donc à la tête d’un tirage de 400 000 exemplaires, recouvrant toute une série de publications régionales. Mais cette stratégie manquait de vision et ne reposait pas sur un concept clair. Le revirement fut d’autant plus rapide. En 2007, lorsque Tamedia devint propriétaire de la moitié du „Bund”, la NZZ n’eut de cesse d’abandonner ses parts. Un vent nouveau souffle sur le groupe NZZ depuis le mois d’octobre. L’arrivée d’Albert Stäheli à la direction amène la promesse d’un changement de climat. Lorsqu’il dirigeait Espace Media, M. Stäheli a pratiqué des coupes sévères dans les budgets du „Bund” et du „Berner Zeitung”. Il n’hésita pas non plus à mettre les pages titres du journal à la disposition des annonceurs, pour y faire paraître des publicités d’un genre plutôt cru. A la NZZ, il a déjà annoncé clairement la couleur: après avoir supprimé 24 postes, Stäheli promet de réformer en profondeur le titre phare du groupe, et ce dès l’automne. Concernant les publications régionales, il prévoit d’instaurer des „synergies”. Les observateurs se demandent jusqu’où le Conseil d’administration le suivra dans ses projets d’assainissement. Les réformes ne se feront pas sans heurts: consciente de son statut et peu encline au changement, la rédaction pourrait bien opposer quelques résistances.
Ringier poursuit d’autres buts Doté d’un chiffre d’affaires de 1,5 milliard, Ringier reste le groupe qui pèse le plus lourd sur la scène médiatique suisse. Sur le plan éditorial toutefois, Ringier est une entreprise familiale de moyenne importance, gérant des produits diversifiés: le „Blick”, le „SonntagsBlick”, „Le Temps” (en commun avec Edipresse), le journal gratuit dominical „Il Caffè” basé au Tessin et le „Blick am Abend” qui tient le bas du pavé dans le domaine des publications gratuites. Le „Blick” était autrefois une mine d’or, mais il a perdu une bonne part de son lectorat ces dix dernières années. Son tirage a diminué d’un quart depuis l’avènement des publications gratuites, pour tomber à 230 000 exemplaires: une chute qui est à rapprocher du succès de „20 Minuten”. Ringier réalise la moitié de son chiffre d’affaires avec la presse de boulevard et les magazines qu’il édite dans une dizaine de pays, répartis entre l’Europe centrale et l’Asie.
Leçon d’économie grisonne Par ces temps de crise, le „Südostschweiz” est volontiers citée en exemple. Connu pour sa capacité à imposer des plans d’économie drastiques, son éditeur, Hanspeter Lebrument, est parvenu à tisser un réseau allant de Coire à Vaduz, en passant par Glaris, dont le tirage se monte à 127 000 exemplaires. Toujours est-il que l’entreprise tient le cap, malgré une baisse de 15% de ses rentrées. Dans le secteur médiatique en tout cas, la périphérie semble mieux armée pour résister à la crise. Le Tessin relativement épargné Les turbulences qui agitent la sphère médiatique en ce moment ne semblent pas avoir encore gagné le Tessin: les tirages des deux principaux quotidiens, le „Corriere del Ticino” et „La Regione” sont restés plus ou moins stables depuis 1999. Seul le „Giornale del Popolo”, proche des milieux ecclésiastiques, a perdu des plumes. Deux facteurs permettent en partie d’expliquer cette stabilité. Premièrement le fait qu’une majorité de Tessinois se rendent au travail en voiture: le sud de la Suisse se trouve ainsi épargné par le phénomène des journaux gratuits. Deuxièmement, la forte identification du public tessinois à sa région, dans laquelle la presse joue un rôle non négligeable.
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